01/12/2025
Tribune
La cybersécurité ne suffit plus :
place à la cyber-résilience
La cyberattaque contre JLR au Royaume-Uni illustre une nouvelle fois les conséquences très graves d’une attaque massive sur une entreprise. Cela impose de passer d’une approche défensive de cybersécurité à une posture globale de cyber-résilience, affirme Olivier Pantaléo.
Si l’on doutait encore du pouvoir de destruction d’une cyberattaque, le cas du groupe automobile Jaguar Land Rover met les choses au clair : quatre semaines d’interruption de production, plusieurs centaines de millions de livres de pertes, plus de 1 000 sous-traitants en difficulté. Une situation assez critique pour que le gouvernement s’engage à soutenir les sous-traitants et offre une garantie de prêt de 1,5 milliard de livres à JLR.
Selon le Financial Times, la facture totale s’élève à 1,9 milliard de livres sterling : c’est l’incident cyber le plus coûteux de l’histoire du Royaume-Uni. La leçon à tirer s’impose d’elle-même : empêcher les attaques ne suffit plus car il faut partir du principe que certaines d’entre elles réussiront à passer les défenses de l’entreprise.
Endurance.
Il faut donc passer de la cybersécurité à la cyber-résilience. La cybersécurité est un système de défense ; la résilience, une capacité d’endurance. Elle mobilise la technologie, les processus, la gouvernance et la culture d’entreprise, dans une approche intégrée et transversale. Elle ne se limite donc pas à ériger des remparts, mais organise la capacité d’une organisation à absorber un choc, à continuer ses activités critiques et à rebondir rapidement.
Les cybermenaces ne cessent de gagner en intensité et en complexité, alimentées par les conflits et les tensions géopolitiques — Ukraine, Moyen-Orient — et par la généralisation des outils offensifs. L’intelligence artificielle générative ouvre de nouveaux vecteurs d’attaque (phishing automatisé, deepfakes), expose les organisations à des fuites de données ou à une perte de contrôle sur leurs modèles et figure désormais parmi les premiers risques cyber identifiés par les RSSI.
« Nous sommes entrés dans l’ère du « very go fast » : des attaques plus rapides, plus massives, plus difficiles à contenir. »
Aucune cible n’est épargnée : grands groupes, TPE-PME, collectivités, hôpitaux. Autre point de vulnérabilité critique : la chaîne d’approvisionnement. Une seule faille chez un fournisseur peut contaminer tout un écosystème. Une grande entreprise sur deux place désormais le risque lié à la supply chain parmi les principaux obstacles à leur cyber-résilience.
Pare-feu.
Les pouvoirs publics, en Europe comme en France, ont pris la mesure du défi. La directive NIS2 ainsi que les règlements DORA et CRA (Cyber Resilience Act) imposent désormais des exigences de résultat, et non plus de moyens. Il ne suffit plus de déployer un pare-feu ou un plan de secours : il faut prouver sa capacité à encaisser un choc, à maintenir ses activités et à se rétablir dans des délais maîtrisés.
Dans un tel contexte, viser une cyber-résilience de premier rang impose de changer de modèle. Trop souvent encore, les équipes Gouvernance, Risques, Conformité (GRC), détection (SOC), infrastructure IT fonctionnent en silos et les plans de continuité sont conçus et opérés séparément. Cette logique atteint aujourd’hui ses limites.
Il faut mettre en œuvre un pilotage unifié, décloisonné, associant dans une même dynamique l’ensemble des parties prenantes : les RSSI et DSI, bien sûr, mais aussi les directions métiers, les fournisseurs, les opérateurs de services managés, les hébergeurs cloud, les équipes conformité. La résilience appelle un pilotage unifié pour permettre une anticipation active, une détection augmentée, une capacité de réponse en temps réel et une reconstruction rapide.
La cyber-résilience est une transformation en profondeur de la manière dont nous concevons et opérons la sécurité numérique. Elle impose une nouvelle culture, de nouveaux réflexes, de nouvelles expertises.
Dans nos économies et sociétés numériques, la vraie force ne réside plus dans l’invulnérabilité — elle n’existe pas —, mais dans la capacité à encaisser et repartir plus fort. Pour ceux qui réussiront cette mue, elle sera un levier de compétitivité ; pour les autres, une ligne de fracture.
Olivier PANTALEO
Chairman